Page:Oeuvres complètes de Jacques-Henri-Bernardin de Saint-Pierre, Tome 10, 1820.djvu/234

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homme qui, au contraire de ceux qui rapportent à des lois mécaniques les opérations de leur âme, appliquait les affections de la sienne à toutes les jouissances de ses sens. L'amour n'était donc point en lui une simple affaire de tempérament. Il m'a assuré une chose que bien des gens auront peine à croire ; c'est que jamais une fille du monde, quelque belle qu'elle fût, ne lui avait inspiré le moindre désir. Il croyait cependant que le simple concours des causes physiques pouvait être dirigé au point non-seulement d'ébranler la sagesse, mais même de renverser la raison ; il m'en a cité un exemple frappant. Un jeune homme de Genève, élevé dans l'austérité des mœurs de la réforme, vint à Versailles du temps du régent. Il entra le soir au château ; la duchesse de Berry tenait le jeu ; il s'approcha d'elle ; l'éclat de ses diamants, l'odeur de ses parfums, la vue de sa gorge demi-nue, le mirent tellement hors de lui, que tout-à-coup il se jeta sur le sein de la duchesse, en y collant à-la-fois ses mains et sa bouche. Les courtisans l'arrachèrent et voulurent le jeter par