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— Oui, monsieur.

— Alors… demain matin…, sept heures précises, Brossette… Nous partons… nous partons…

Brossette ne s’étonne pas… Il a l’habitude de ces brusques sautes dans mes résolutions… Pourtant, il ne peut s’empêcher – mais avec discrétion – de manifester son contentement… Je sais qu’il n’aime pas Amsterdam. Il m’a dit, un jour de spleen :

— Ça n’est pas une ville pour un chauffeur…

Il préfère Trouville, Dieppe, Monte-Carlo, Ostende… Ça, c’est des garages… Il préfère surtout l’avenue de la Grande-Armée, la vraie patrie du chauffeur.

Il me demande :

— Alors, monsieur rentre à Paris ?

— Oui, oui… Et d’un trait, Brossette… d’un trait…

— Monsieur a raison.

En se retirant, il hausse les épaules :

— Que monsieur ne me parle pas d’un pays où on tire l’essence à même un tonneau.

Et puis, lui aussi, sans doute, a le vertige, quand il n’est plus sur sa machine, la main au volant… C’est là que le calme rentre dans son âme, et dans la mienne…

Il savait si bien à quoi s’en tenir, ce malin de Brossette, qu’en dépit de mes ordres, il n’a descendu de l’auto que ma valise…

Ah ! comment faire pour attendre à demain ? car je sens que je ne dormirai pas… Malgré le calme de cet hôtel, tous mes nerfs vibrent et trépident… Je suis comme la machine qu’on a mise au point mort, sans l’éteindre, et qui gronde…