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Et voici le meurtre d’un autre, le grand chien d’une petite bergère.

Son souvenir m’a poursuivi, cruellement, plusieurs jours… Et aujourd’hui qu’il me revient, je ne puis me défendre encore d’une tristesse, qui m’est presque douloureuse.

Pauvre chien, à longs poils argentés, comme en ont ceux de notre Brie, et dont les yeux devaient refléter une bêtise attendrissante… qu’il était beau !

C’était sur la route de Leyde à Haarlem.

Nous étions partis de grand matin, et voulions d’abord aller voir, à Endegeest, qui est entre Leyde et la mer, la maison où avait bien pu habiter Descartes. La notoriété de Endegeest est limitée ; nous nous étions perdus. Assez insouciants du prodige qu’est ce philosophe, les paysans nous regardaient, en riant, sans nous répondre. Peut-être, tout simplement, parce que nous prononcions mal ce nom de Endegeest… À Endegeest même, aucun ne pouvait nous désigner la maison de Descartes… Et quant à Descartes… c’était bien pire… Son nom avait, à jamais, disparu des souvenirs de ce petit pays… Plusieurs nous adressèrent à l’asile d’aliénés dont l’architecture, toute neuve, est une des curiosités de la ville.

— Peut-être que là… Oui, il y a des chances.

D’autres nous renvoyèrent au meilleur hôtel…

— Il y a beaucoup de monde, en ce moment… Hé ! hé !…

Ils s’interrogeaient :

— Descartes ?… Tu connais ce Descartes ?

— Attends un peu… Descartes ?… Non… ma foi, non… Qu’est-ce qu’il fait ?