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« son petit bien », il commença par vendre la maison qu’elle habitait à l’entrée du pays depuis son mariage, et il la recueillit chez lui. Elle était alors âgée de quatre-vingt-quatre ans, se portait bien, mais, maniaque comme toutes les vieilles gens, elle se plaignait sans cesse de maladies, d’infirmités qu’elle n’avait point ; d’être sourde, bien que le moindre cheminement de souris le long d’une plinthe la réveillât brusquement ; d’être faible sur ses jambes, bien qu’elle trottinât du matin au soir dans sa maison ou qu’elle fût en courses inutiles dans le village…

— Et maligne !… Et exigeante !… Et querelleuse !… Une vraie teigne !

Ainsi Jaulin parachevait le portrait de sa mère, dans l’intimité.

Ses amis objectaient naïvement :

— Ça va être bien des tracas pour toi…

Mais, en bon fils, il répondait :

— Qu’est-ce que vous voulez ?… Il faut bien… Elle n’a plus guère la tête à elle, la pauv’ vieille… Elle me fait trembler, quoi !… Au moins, comme ça… je pourrai la surveiller de près…

Il lui aménagea un petit coin, au-dessus de la forge, dans un vaste grenier qu’encombraient de vieilles ferrailles, de vieilles pièces de bois, de vieux paniers, qui servait aussi de resserre hivernale pour la provision des pommes de terre