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à Ponteilles, et dont je dirai deux mots tout à l’heure.

Je ne partage pas l’avis de Piscot, qui a la psychologie courte et bornée. Je suis persuadé au contraire que les bourgeois, quoiqu’il ne les aime pas, en imposent beaucoup à Jaulin, de même que les nobles en imposent encore beaucoup aux bourgeois, tailleurs, restaurateurs, bijoutiers, carrossiers, en dépit de ce qu’il leur en a toujours cuit. Cet homme si hardi, si clairvoyant avec ses inférieurs ou ses pareils, éprouve cette faiblesse assez commune qu’un rien le décontenance, l’annihile avec les autres. Il croit à la nécessité des anciennes hiérarchies sociales. Il en souffre, mais il y croit, malgré lui et contre lui.

Des anecdotes — quelques-unes tragiques — abondent sur ce personnage intéressant. On se les répète un peu bas, comme on se raconte des histoires impressionnantes, dont on ne peut pas savoir si elles sont très belles ou très sinistres. D’ailleurs, dans toute admiration villageoise, j’ai remarqué qu’il entre pour une grande part de la peur.

Quand, au moyen d’arguments dont je ne puis garantir la douceur persuasive ni la tendresse filiale, Jaulin eut décidé sa vieille mère à lui donner, par avance et par acte dûment notarié,