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— Écoute-moi… Il m’en faut une demain… enfin un de ces jours… cette semaine…

Le père Fiston voudrait bien dire quelque chose. Les mots ne lui viennent pas à la bouche. Il ne lui vient que des grimaces.

— J’vas vous expliquer, monsieur le maire… se décide-t-il brusquement… Vous m’aviez promis un képi… ah !

— La commune n’a pas d’argent ! répond le maire, d’une voix aigre.

— Oh ! un képi ! ça ne ruinera pas la commune… Et puis vous m’avez promis… il y a déjà trois ans… rappelez-vous bien. Vous m’avez dit, quand vous m’avez nommé… vous m’avez dit, devant M. Peleux… « Père Fiston, on te donnera un képi ! » C’est vrai aussi… de quoi qu’on a l’air, devant les d’linquants, avec ce vieux chapeau ?… Non, regardez çà, monsieur le maire…

Il se décoiffe, et montre un chapeau dont la paille, décollée ici, rongée là, laisse entrer à qui mieux mieux, le soleil, la pluie, la poussière, les fourmis, les mouches.

— Voyons… Vous êtes juste, pourtant… C’est-y une coiffure pour un garde champêtre ?

Le visage du maire s’est éclairé d’un sourire malin.

— Il est coquet, ce vieux brigand-là… Tu penses donc encore aux femmes, polisson ?