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En grandissant, il acquit rapidement une importance, une sculpturale, une éblouissante beauté, devint en tous points semblable au portrait physique qu’en avait tracé à l’avance sir Edward Herpett, mon véridique ami.

Si je ne comprenais pas tous ses besoins, j’avais du moins compris qu’il lui fallait de la liberté, de l’espace et du soleil. Aussi, lui avais-je donné tout l’enclos, qui mesurait vingt hectares, pour le déploiement de ses courses et la fougue de ses ébats sportifs. Mes fleurs souffraient bien un peu de cette tolérance, mais lui en profitait abondamment en se faisant des muscles, du sang et de la hardiesse. D’ailleurs, peu à peu, il ne me fut pas difficile de lui apprendre à les respecter.

Fort, musclé comme un athlète antique, élégant, souple et délié comme un magnifique éphèbe, il portait haut l’orgueil de sa tête. Toute la vigueur de sa race respirait à l’aise dans un large poitrail, cuirassé d’or. Et sa queue éployée, mais à un autre endroit, lui faisait comme un panache de jeune guerrier. Ses narines très noires, étrangement mobiles, semblaient aspirer toutes les odeurs, flairer toutes les existences qui sont éparses dans l’air, les champs et les bois. Avec cela enjoué, câlin, très tendre, enthousiaste, lyrique même, sans jamais cette servilité rampante, cette docilité d’esclave qui rend toujours