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III


Les chiens ne vivent pas longtemps, mais, afin de vivre beaucoup, ils brûlent les étapes de la vie, et ils courent très vite, comme des fous, vers la vieillesse et vers la mort.

Un moment, je craignis que Dingo, à l’exemple des hommes, n’eût une adolescence un peu indécise, un peu « ingrate », comme disent les mères de famille. J’attendais aussi, non sans anxiété, cette redoutable crise de croissance qui, sous le nom vague de « la maladie », arrête plus ou moins dangereusement, trouble et menace le développement des jeunes chiens. Par bonheur, il n’en fut rien. Sa jeunesse se montra aussi vivace que l’avait été son enfance. Dingo avait bien trop gardé en lui les saines allégresses de la nature, il était bien trop pur de tout contact humain, bien trop vierge de toute civilisation, pour être atteint déjà par leurs pourritures, leurs contagions mortelles, leurs déchéances.