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sembler cette partie de l’île vendéenne à un paysage hollandais, comme, sur la côte, les poivriers, les mimosas, les séneçons maritimes et une vague odeur de bouillabaisse évoquent le souvenir de quelque petite crique méditerranéenne.

Un après-midi, je travaillais… C’est-à-dire, par la fenêtre grande ouverte, je regardais passer au creux de la dune, à cet endroit plantée de pommes de terre, les voiles blanches, les voiles rousses des bateaux qui s’en allaient au large ou qui rentraient au port. Je ne voyais pas les bateaux, je ne voyais que les voiles. Et ces voiles avaient l’air de fendre le sol, de le labourer, de biner les sillons. Ce n’étaient plus des focs que la brise gonflait et poussait, c’était des socs. Et je méditais profondément sur cette ingénieuse application de la barque de pêche à la culture des légumes. Près de moi, roulé en boule sur un fauteuil, Pierrot, que ces hautes questions agricoles n’intéressaient pas, dormait. Il dormait d’un sommeil heureux, rêvant sans doute à des choses très jolies, à une très jolie chienne caniche, toute blanche, toute poudrée que, chaque matin, une petite cocotte de Nantes, blonde et teinte et tout habillée de froufrous blancs, elle aussi, menait par un ruban rose, en guise de laisse, sous le bois d’oliviers de la villa voisine de notre maison.