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prennent ce que nous disons, et nous, qui savons tout, nous ne sommes pas encore parvenus à comprendre ce qu’ils disent. Non seulement, ils comprennent, mais ils parlent. Ils parlent entre eux ; ils parlent aux autres bêtes ; ils nous parlent. Et, tandis que, malgré tant d’expériences et tant de travaux, nous n’avons jamais pu rien déchiffrer de leur langage, eux, spontanément, ils ont, du moins en ce qui les intéresse, tout déchiffré du nôtre. Sans jamais les avoir appris, ils parlent le français, l’anglais, l’allemand, le russe, et le groënlandais et l’indoustani, le télégut, le bas breton et le bas normand, tous les patois et tous les argots.

Quand je disais négligemment, sans me retourner vers lui : « Dingo ne se promènera pas avec moi aujourd’hui… Dingo restera à la maison », il protestait vivement d’abord, se plaignait ensuite, pleurait quelques instants et il se couchait, la tête attristée, sur le tapis. Si, au contraire, sur le même ton neutre, je disais : « Dingo se promènera aujourd’hui avec moi », alors il se levait d’un bond, en poussant des cris de joie. Il me tirait par ma manche, par les pans de mon vêtement, m’entraînait vers la porte. Et ses cris joyeux voulaient dire :

— Qu’est-ce que tu fais ? Mais dépêche-toi