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Laurent Thuvin, le jardinier, jaloux de Dingo, craignant en outre que la venue dans la maison de ce curieux petit animal, trop choyé par nous, ne causât quelque tort à ses enfants, prophétisait en haussant les épaules :

— Ce chien-là ?… Buuu !… Ce chien-là… Monsieur… il est indécrottable… Monsieur n’en fera jamais rien… jamais rien.

Il ajoutait sournoisement, car c’était un brave homme :

— Monsieur aura bien des ennuis avec cette bête étrangère, bien des ennuis… toute sorte d’ennuis… Je sais ce que je dis…

— Qu’est-ce qu’il y a encore ?… voyons…

— Il y a… il y a… qu’il me fait tourner en bourrique. Il gratte mes semis… saccage mes plants… retourne le terrain de mes couches et de mes châssis… Ah ! par exemple, que Monsieur ne me demande pas des melons, cette année, ni de l’aubergine… ni de la tomate, ni de la tétragone… Il n’y a plus rien… Ce chien-là ?… Buuu !… C’est pire que la grêle, la cochenille et la cuscute. Tenez, aussi vrai qu’il y a un Dieu… j’aimerais mieux avoir dans mon jardin des courtilières… Ma foi, oui !… Ah ! si j’étais que Monsieur !… je le dis carrément à Monsieur… ce chien-là ?…

— Eh bien ?