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tion et d’honneur, mais pour qu’on le laissât tranquille, qu’on lui permît de vivre, à l’abri de nos sottises, selon ses goûts, une vie normale, une vie harmonieuse de chien. Comme il avait au fond de l’amour-propre et de la franchise, il ne s’obstinait pas longtemps dans ce rôle d’idiot, qui du reste ne lui seyait pas du tout. Ce n’était donc qu’une boutade passagère. Elle l’amusait un moment, et puis, tout de suite, il en avait honte, la sentait dégradante. Alors, tandis que je lui débitais des discours pédagogiques, Dingo, la tête obliquement penchée, ses prunelles réfugiées sous l’angle des paupières que bridait un petit rire ironique, me regardait avec une malice déconcertante qui, me troublant beaucoup, éteignait vite l’ardeur de mes improvisations oratoires. S’il eût pu s’exprimer dans la langue académique de M. Jean Richepin », il m’eût certainement dit :

— Oui, vieux dab… oui… oui… jaspine, tu m’intéresses !…

Le plus humiliant, c’est qu’il faisait mieux que le dire, il le mimait. Et ses gestes avaient une éloquence plus expressive, plus précise que nos paroles.

— Sacré gosse ! C’est qu’il ne veut rien savoir !… résumait la cuisinière, Marie Toton, qui était de Montrouge.