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malencontreux vocable, ce fut toujours avec une parfaite ingénuité. Car, tout en lui, me démontre qu’il ne haïssait rien tant que le pédantisme des psychologues, des sociologues, des idéologues littéraires, non moins que la prétentieuse absconsité chère aux critiques d’art.

D’ailleurs, comme vous le verrez, par la suite, il me donna de bien autres sujets d’étonnement.

Sur la nourriture, il était inflexible et — qu’on me pardonne ce mot qui, appliqué à un chien pourra paraître bien irrespectueux pour la Royauté, pour l’Empire, pour la République et pour tous les systèmes de gouvernement qui en dérivent — traditionaliste. Oui, Dingo était traditionaliste — en cuisine, du moins. Il n’admettait aucune synthèse, aucune chimie alimentaires. Avec dégoût, avec indignation même, il repoussait tout lait qui ne fût pas très pur, à qui manquât ce que mon pharmacien appelait son « coefficient de buthyrification », toute soupe qui n’eût pas été confectionnée, selon les règles, hélas perdues, de la plus parfaite cuisine française d’autrefois. Quant à ces biscuits modern-style, composés, sous prétexte d’hygiène et de commodité domestiques, d’on ne sait quelles grattures toxiques, ma foi, il en riait. Bien que les observateurs prétendent que les chiens ne rient jamais, je vous assure qu’il en