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revis, comme une obsession, la boîte de sapin noirci, le menu cercueil d’enfant, d’où j’avais tiré Dingo, si petit, si petit, si drôle, si drôle. Et longtemps, longtemps, silencieusement, je pleurai.

Nous portons en nous, par hérédité et par éducation, une telle foi dans l’immortalité de l’âme que, devant un cadavre humain, nous résistons toujours au spectacle qu’il nous présente. La mort humaine nous paraît un mensonge. Mais nos relations avec les animaux ne sont faussées par aucune formule imbécile touchant l’éternité de la personne. Les plus spiritualistes des vieilles filles acceptent l’idée qu’un chien mort ne soit plus…

Je ne voulais pas que ma femme vît le cadavre de Dingo. Je le transportai dans ma chambre. Quand je revins, ma femme dormait encore, de ce sommeil, comme attentif, des malades. Pour combien de jours était-elle encore immobile dans ce lit ?

Dingo mort… ma femme malade. Des imbéciles ne comprendront pas que ces deux tristesses aient pu habiter en moi toutes les deux. Un chien… Qu’est-ce que la mort d’un chien ?

Je ne sais ce qu’est la mort d’un chien. Mais je sais que Dingo est mort.

Les idées les plus sottes me passent par la tête