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hôtel… Non, je descends chez des amis, chez de vieux zèbres d’amis.

— Mazette ! Tu dois avoir beaucoup d’amis.

— Oui. Et quand je n’ai pas d’amis dans un pays… tu vas voir… Je suis un artiste, c’est vrai… Mais je suis resté un homme d’affaires…

Les joues gonflées, les yeux diminués, il éclata de rire :

— Je débarque dans une ville, je n’y connais personne… Suis-moi bien… La première chose que je fais, c’est d’aller immédiatement au meilleur café de l’endroit…

Il s’interrompit un instant. Son visage exprimait toujours une irrésistible hilarité.

— Je vois une bonne tête de consommateur… J’ai l’habitude des visages humains… Au bout de cinq minutes, je sais leur histoire par A plus B, s’ils sont mariés ou célibataires, riches ou pauvres, généreux ou avares, s’ils ont des bonnes…

Il hésita, cherchant son mot :

— Des bonnes… des bonnes salaces ou d’infâmes torchons de cuisinières. L’examen passé, carrément je vais à celui que j’ai choisi… je lui tape sur la cuisse et je lui dis : « Toi, tu es un zèbre… » Je l’étourdis de paroles, de chansons, de flatteries… « Et je ferai ton portrait… » Si bien que le soir, je suis installé chez lui et que sa maison est