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chez moi. C’était tout. Quand je lui parlais, il me regardait de ses yeux ronds et clairs, avec une expression de tristesse profonde, presque animale. Je ne sus rien de lui, sinon qu’il aimait ses enfants. Ces gosses sans mère, mal tenus, débraillés, chapardeurs, étaient souvent embrassés par leur père. Il ne les frappait jamais. Parfois, il les regardait se rouler dans l’herbe autour de la cabane. Souvent, ils venaient se jeter dans ses jambes et jouaient à cache-cache derrière lui.

On le voyait peu. Sans doute, la nuit, il braconnait, et le jour il se reposait. C’est pourquoi il refusait de venir chez moi régulièrement. Il refusait simplement, sans penser même à donner une excuse ou une explication.

Quand il travaillait dans le jardin, Dingo lui tenait volontiers compagnie. Mais il ne lui prodiguait pas d’inutiles marques de tendresse. Dingo respectait le silence de Flamant. Il ne jappait pas, il ne sautait pas. Il se posait près de lui. Si Flamant poussait au fond du jardin une brouette chargée de mauvaises herbes, Dingo le suivait avec calme, attendait qu’il l’eût déchargée et revenait avec lui, la gueule entr’ouverte, l’air sage. Un jour que Flamant, avec une serpe, s’entailla légèrement la peau d’un doigt, Dingo vint lécher le sang de la blessure.