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du vent dans les arbres, des voix qui emplissaient les hautes voûtes, les vastes nefs de la forêt, comme des chants d’orgues qu’aurait animés le génie d’un Beethoven.

Instantanément, Dingo fut gai, actif, plus tendre aussi. Il semblait m’être reconnaissant de l’avoir amené là, où il pourrait vivre, respirer, courir, être heureux. Malgré les guinguettes éparses dans les futaies, malgré les affiches de publicité qui parsèment les clairières, encombrent les ronds-points, font de ces bois sacrés comme une sorte d’immense agence, où se brassent les affaires de M. Dufayel, je suis sûr que Dingo connut, savoura cette sensation nouvelle et forte d’avoir retrouvé le pays natal.

Désormais, il vécut presque exclusivement dans la forêt. Comment vécut-il ? Je ne le sus jamais bien. On le vit souvent très loin de la maison, sur le territoire de Melun, de Barbizon, de Marlotte, de Nemours, de Samois, filer rapidement, le nez au ras du sol, entre les troncs d’arbres. Un garde me dit :

— Il chasse on ne sait quoi… des fantômes… il a l’air d’un chien fou…

Un autre me conta :

— Il s’attaque dans la forêt à tout ce qu’il trouve : aux branches tombées, à de vieux ossements qu’il déterre, à de vieilles chaussures, de