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ment, qui ne s’intéressaient plus à rien et que le pas d’un garçon sur le gravier ne réveillait pas de leur engourdissement.

Le vétérinaire regardait par la fenêtre, quand la porte s’entr’ouvrit pour nous livrer passage. Il eut tout juste le temps de s’asseoir à son bureau et de feuilleter quelques papiers d’un air très absorbé. C’était un gros homme qui portait sur sa jaquette noire une blouse d’hôpital, très ouverte, presque rejetée en arrière. Son énorme visage rasé, en forme de poire, était rose, rose et non pas rouge, d’un rose uni et transparent, comme les couleurs qui recouvrent un ballon en gutta. Il avait trois mentons. Il avait aussi trois nuques, qui se plissaient en accordéon par dessus le faux col bas.

Il se souleva sur sa chaise et grommela :

— Vous désirez ?…

— Je voudrais un certificat…

— Ah oui, la rage… fit-il avec une sorte de colère, la rage… bien… bien… C’est un chien ?… Une chienne ?… Un chien… bien…

Il prit une feuille de papier à entête et commença à griffonner, en murmurant :

— Je soussigné… déclare… avoir examiné… et qu’il n’est pas atteint de la rage…

La main très appuyée, il signa, puis éloigna de lui la feuille de papier.