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Je me souvins que l’agent avait prononcé les mêmes paroles et j’admirai cette unité d’esprit qui est la force même de la police.

Le commissaire avait des yeux bouffis derrière son lorgnon et une lourde moustache poivre et sel. Désignant le voleur, il me dit :

— Oh ! ce gaillard-là, je le connais…

Et sans transition :

— Qu’est-ce que c’est que ce chien-là ?…

Je lui dis que c’était un dingo.

Il voulut des explications sur les dingos. Il faisait de visibles efforts pour s’exprimer avec élégance et distinction devant le propriétaire d’un aussi beau chien. Il me parla de l’Australie, m’apprit qu’un de ses amis y était parti autrefois pour y coloniser.

— Il a peut-être un dingo… il a peut-être un dingo… C’était un garçon très brillant. Nous avons fait notre droit ensemble…

Et le commissaire mettait dans ces mots : faire son droit, mille sous-entendus. Faire son droit… avoir été étudiant, cela créait immédiatement une complicité familière entre les commissaires de police, les jurisconsultes, les savants, les propriétaires de beaux chiens, les beaux chiens eux-mêmes, une complicité dont on écartait le petit monde des simples agents et des voleurs de chiens.