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— Mais il faudrait auparavant, dis-je à l’agent, aller chez un pharmacien…

— Pourquoi ?…

L’homme saignait si abondamment que son mouchoir était rouge et qu’il devait le tordre pour s’en servir à nouveau. On voyait sur son cou deux minces ouvertures béantes, angulaires qu’avaient laissées les crocs de Dingo.

— Mais vous voyez bien que cet homme est blessé…

— Il en a vu d’autres… répondit l’agent. Il n’a pas tout le mal qu’il mérite…

La foule même trouvait mon intervention déplacée. Elle voulait prompte justice et ne pas se disperser avant d’avoir assisté au dernier acte : la punition du coupable. Je dus insister. L’homme, lui, était résigné. Le pharmacien ou le commissaire… qu’est-ce que ça pouvait bien lui faire ? Il était pris.

J’avais passé une laisse à Dingo. Il nous suivait docilement. Parfois, il s’approchait de son voleur, le flairait, ou bien, le museau levé, portait vers lui des yeux redevenus tendres et mouillés. Il semblait lui dire :

— Que d’histoires… Je ne t’en veux pas, moi… Il ne fallait pas me toucher… c’est entendu… Mais j’ai su me défendre. C’est fini. Qu’est-ce qu’il nous veut à tous, l’homme au képi ?…