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Je connaissais assez Dingo, sa méfiance, les ressources infinies de sa ruse, pour ne rien craindre de leurs pauvres traquenards. Avec une habileté insouciante, sans se donner le moindre mal, il déjouait toutes leurs combinaisons, échappait à toutes leurs embûches. Cette lutte entre Dingo et les escarpes était devenue la joie des promeneurs. On s’en amusait comme d’un spectacle. Et très vite Dingo acquit dans le quartier la réputation d’un grand acteur comique. Ils employèrent vainement tous les moyens d’avoir raison de lui, même la gourmandise qui perd si facilement les chiens et surtout l’amour qui détraque si bien les hommes. Mais Dingo n’était ni un chien ni un homme. Sinon le goût du meurtre, il n’avait rien de leurs lourdes passions et de leurs appétits.

Plus résistant que saint Antoine, il dédaignait la séduction des chiennes amoureuses, en toilette lascive de péché et n’acceptait pas non plus la viande qu’on lui tendait de loin.

Dingo consentait à m’accompagner dans Paris. J’ai tort de dire m’accompagner, car s’il voulait bien sortir avec moi, c’était à la condition de choisir lui-même sa promenade. Il m’entraînait dans les plus lointains quartiers, se dirigeant où bon lui semblait et complètement indocile à mes ordres. Quand j’arrêtais une voiture, Dingo par-