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devant la boutique de Velu. Quand celui-ci, en pantalon rouge, en veste bleue, les paupières encore bouffies de crapuleux sommeil et sa vieille pituite lui raclant la gorge, vint ouvrir les volets, Dingo s’élança d’un bond si furieux, que Velu n’eut que le temps de se retourner, et il lui enfonça dans le derrière tous les crocs de sa mâchoire, avec rage. Velu hurla de douleur.

— Au secours ! au secours ! appela-t-il.

Mais Dingo avait disparu.

Dans une autre circonstance, tout le monde, au village, eût été heureux de l’acte de Dingo. Malheureusement, ses crimes antérieurs avaient comblé la mesure. On était de plus en plus monté contre lui, chacun se solidarisait avec le bourrelier, comme devant un danger public. Velu exploita facilement ces dispositions pour susciter un soulèvement général contre moi et contre Dingo.

Afin d’éviter une jacquerie, peut-être, force me fut de verser à Velu la grosse indemnité qu’il me réclama, relativement à son pantalon. D’autant que son derrière enfla, qu’il eut la fièvre, qu’il fut obligé de garder le lit pendant deux semaines.

Depuis ce temps, Dingo avait pris en haine tous les militaires et même ce placide garde champêtre qui n’avait de très peu militaire qu’un képi, un vieux képi vert, déformé, aplati, sans galons,