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Ordinairement, Velu se coiffait d’un modeste bonnet de police. Dans les circonstances solennelles, il couronnait son uniforme de tringlot d’un vieux casque de pompier, auquel il avait adjoint une longue queue de cheval, car, à ses divers métiers, à toutes ses fonctions honorifiques, il ajoutait cette fonction plus désintéressée et cet honneur plus héroïque d’être capitaine de pompiers. Capitaine et pompier honoraire, cela va de soi, la municipalité n’ayant jamais trouvé dans son budget de quoi acheter une pompe ni faire venir l’eau qui, depuis le déluge, manquait à la commune. En parlant de cette question des eaux, dont on se préoccupait à chaque séance du Conseil, Velu disait :

— L’adduction des eaux !… Il faut en finir avec l’adduction des eaux !

L’on n’en finissait jamais. Mais il suffisait que Velu répétât souvent « l’adduction des eaux », pour devenir capitaine de pompiers orateur. De fait, il tenait, de la noblesse de ce vocable et de la façon magistrale dont il le prononçait, un certain prestige.

Nous passions quelquefois, Dingo et moi, devant la boutique de Velu. Dingo et Velu se regardaient sans bienveillance. Le chien faisait toujours entendre un sourd grognement à la vue du bourrelier et le bourrelier, à la vue de Dingo,