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tête ; Dingo un peu indifférent, car c’était pour lui menu gibier ; Miche ardente de curiosité et de convoitise, car jamais encore elle n’avait eu affaire à de si gros oiseaux. Elle pesa de tout son corps, se tassa sur le sol et sous elle ses griffes s’ouvrirent, se refermèrent. Elle essayait sa force, les articulations de ses organes, revisait sa mise au point, comme on fait d’une machine avant la marche.

La branche sur laquelle les deux merles s’étaient posés se balançait sous leur poids. Il y avait le mâle, reconnaissable à son plumage plus noir, à son bec jaune, et la femelle plus svelte, plus grise. La gorge en l’air, les yeux bridés, Miche ouvrit plusieurs fois sa fine gueule rose, comme pour un miaulement de joie, comme pour un miaulement d’appel, mais aucun son n’en sortit.

La femelle avait gagné la branche inférieure, plus grosse. Elle tourna, tourna, toute pétillante et se retourna, repassa son bec sur l’écorce, comme un couteau sur une meule, se retourna encore, descendit sur la touffe, s’engagea sous la touffe et, s’aidant parfois de la pointe de ses ailes, dégringola de liane en liane jusqu’au tapis de terreau, qu’elle atteignit dans un demi-vol et sur lequel elle se mit à danser, en en faisant le tour.

Dingo et Miche ne perdirent aucun de ses mou-