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D’impatience, Dingo piétinait, grattait le sol. De menus cailloux volaient au loin sous la ruée de ses pattes.

— Que tu es assommante, Michel… Pourquoi ne viens-tu pas ?

Miche miaulait toujours et, secouée de frissons, les prunelles tout ouvertes, elle regardait à sa droite, à sa gauche, devant, derrière elle et sans doute elle pensait qu’elle était bien petite, bien trop petite pour ce grand espace dont Dingo lui ouvrait les perspectives infinies, inconnues, effrayantes.

— Tu as peur. Pourquoi as-tu peur ? De quoi as-tu peur ? Puisque je suis avec toi, voyons !

Miche se rassurait un peu… Mais, au lieu de reprendre sa marche, la voilà qui lustrait, à petits coups de sa langue son poil, dont le frôlement des herbes au bord de l’allée avait dérangé l’harmonie lisse et terni les reflets brillants.

— Viens donc ! répétait Dingo… viens donc !

Elle semblait ne pas le voir, ne pas l’entendre, heureuse aussi de le taquiner un peu.

— Viens donc !… sacrée petite chatte !

Enfin, elle repartait d’elle-même, marquant bien qu’elle n’obéissait pas aux instances de Dingo ; elle repartait d’un pas de plus en plus lent, s’arrêtait encore, puis repartait à nouveau, le corps si allongé, qu’on eût pu croire qu’elle rampait.