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Je le vois encore au retour de ses expéditions, dont il sortait indemne à force de ruse, de courage, d’audace et d’esprit. La gueule encore bourrée de plumes baveuses ou de la laine sanglante des moutons, il débordait de joie bruyante, de gaieté ivre, de tendresse exaltée envers tout le monde. Il me léchait les pieds, les mains, se frottait à mes jambes, me sautait au menton, à la poitrine, comme pour me remercier, m’étreindre, m’embrasser. Et il me parlait… me parlait. Et je l’entendais vraiment, qui me disait :

— Ah ! je me suis bien amusé, aujourd’hui !… Quelle bonne journée, si tu savais !… Je vais te raconter ça, tout à l’heure… C’est d’un comique ! Ne fais donc pas la tête !… Qu’est-ce que tu as ?… Puisque je te dis que je me suis follement amusé… Allons, voyons… caresse-moi… Pourquoi ne me caresses-tu pas ?…

Je voulais l’envoyer à tous les diables, prononcer un discours irrité. Finalement, je passais ma main sur son beau poil doré, qui sentait l’herbe, la terre grasse… et le sang.

— Ah ! Dingo… Dingo !…

Et se renversant sur le dos, les pattes en l’air, et Miche comme une balle entre ses pattes, il se roulait avec volupté sur le plus beau de mes tapis persans…