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dragon, avec une bouche de feu, une longue queue garnie de suçoirs, des ailes griffues, des pattes ailées, comme il y en avait autrefois du temps des dieux et comme il en avait vu en Chine. Il parlait de s’armer, de fouiller les bois, les carrières abandonnées, les ruines du château de Reverchemont. Les autres haussaient les épaules par bravade, riaient, un peu pâles pourtant.

— Ah ! sacré Piscot !

— Puisque j’en ai vu en Chine comme ça…

— Allons donc ! allons donc !… sacré Piscot I

— Oui, oui… rigolez… Vous avez tout de même peur.

Au fond, il n’était pas fâché que tant de catastrophes s’abattissent sur des gens qui le laissaient croupir dans la plus noire misère et lui refusaient du travail. Il espérait bien, dans le fond de son âme, que Dingo fût la cause de ces désastres, et il l’aimait davantage pour le mal qu’il faisait à « tous ces salauds-là ».

Il raillait, blaguait, s’amusait. Mais à la fin on le renvoyait un peu rudement à l’huissier, au juge de paix, au marchand de nouveautés. Est-ce qu’on a le droit de parler, quand on doit à tout le monde ?

— Enfin quoi !… expliquait Piscot, repris par sa marotte… C’est pourtant simple… J’dois neuf francs…