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penser de ça, lui ?… J’peux même plus payer le percepteur… Avec quoi que j’paierais, maintenant que mon viau est mort… On va me saisir… Et mon petit gars… On va m’saisir… oh ! oh ! oh !…

La maladie de la vigne, des pommes de terre, la grêle, le vent d’orage qui couche les récoltes et déracine les arbres, cette épidémie de scarlatine et de suette miliaire qui sévissait aux Quatre Fétus, on les attribuait à la perversité, à l’influence démoniaque de Dingo. Leurs petit malheurs de famille, leurs déceptions, leurs coups manqués, la baisse du foin, l’enchérissement du pétrole et du sucre, les paysans en rendaient responsable le pauvre Dingo, comme s’il n’avait pas assez de ses propres crimes. Il faut que les hommes, les paysans, surtout, qui sont toujours menés par l’idée de la divinité et qui n’admettent point la puissance et l’anonymat de l’élément, incarnent dans une figure haïe leurs mécomptes et leurs misères. Le curé parlait enfin d’organiser des processions pieuses, pour délivrer le pays de l’esprit du diable, qui s’était réfugié dans Dingo.

Je connus enfin ce que c’est que la popularité et quelle sueur mortelle dut baigner le corps de Jésus, défaillant sous les outrages, à toutes les stations du chemin de la Croix. Je n’osai plus sortir de chez moi, traverser le village, me