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l’interprète… le faible interprète, hélas ! la population tout entière, qui vous aime… qui vous estime… vous serait infiniment reconnaissante…

Quoi qu’il fît, il y avait une pointe d’ironie dans son sourire et dans sa voix. Une petite lueur jaune, un rayon trouble brillaient au coin de ses yeux.

Après l’espèce d’émeute qui, la veille sur la place, avait si bien mis à nu les sentiments de la population de Ponteilles à mon égard, venir me parler de sa reconnaissance, de son affection, c’était un peu bien hardi, un peu bien excessif. Je flairais un traquenard, un guet-apens, dont monsieur le maire pourrait se laver facilement au cas qu’il réussît. Peut-être était-ce simplement, un détour tortueux pour aborder cette question du chien qu’il ne voulait pas, à son habitude, aborder franchement ? Sans doute, il espérait que j’allais protester contre l’attitude de la population et, d’incidence en incidence, en arriver à me dire les choses qu’il désirait me dire, qu’il était chargé de me dire évidemment. Je répondis avec beaucoup de naturel, en simulant les plus profonds regrets :

— Ah ! mon cher maire ! Combien j’eusse été heureux de manifester publiquement, moi aussi, mes sentiments affectueux envers cette vaillante population de Ponteilles… que j’estime… que