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Joyeuse, battant des mains, Irène s’était tournée vers nous :

— Il l’a vu !… Il l’a vu !… criait-elle.

Je hurlai encore :

— Dingo ! Dingo !

Mais Dingo ne m’écoutait pas, ne voulait pas m’écouter. Lancé en une course folle dans l’allée, il diminuait, diminuait, à chaque foulée… et ne paraissait pas plus gros qu’un lièvre.

De plus en plus amusée, Irène dansait et tapait des mains.

— Il l’a vu !… il l’a vu ! Père… père… regarde… Il l’a vu… Qu’il est gentil !

— Ah ! mon Dieu ! gémit Mme Legrel qui avait mis son lorgnon devant ses yeux.

— Pourvu que !…

Legrel n’acheva pas. Il lui sembla comme à moi que Dingo s’était rué sur le mouton… et qu’ils roulaient tous les deux, boule blanche et boule jaune, confondues dans l’allée, là-bas…

Je m’étais mis à courir, à galoper, multipliant vainement les appels d’une voix qui se voilait, s’enrouait, ne sortait plus de ma gorge. Et Legrel me suivait de près, agitant ses grands bras. Et Mme Legrel courait aussi, derrière son mari, essoufflée, gémissante. Et son grand chapeau défait lui battait aux épaules. Les cheveux épars dans le vent, Irène courait derrière sa