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— Non… non… on lui casserait les pattes… et peut-être les cornes… Que personne ne bouge !… Pas de bruit, surtout… pas d’allées et venues… Laissez-moi faire…

Heureusement, au bout de dix minutes, l’araignée finit par prendre le parti de descendre le long du mur, charmée sans doute par Legrel, qui ne cessait de siffler, très bas, un air mélancolique et monotone, qui me rappela le chant plaintif que les pâtres tirent de leurs flûtes dans les montagnes. Et Legrel cueillit délicatement avec son mouchoir l’araignée tout étourdie de musique.

Après l’avoir examinée minutieusement, il eut un soupir de soulagement :

— Elle n’a rien… Les pattes sont intactes… les cornes aussi… le céphalothorax aussi… Ah ! la mâtine… elle m’a donné chaud…

Pendant qu’il allait la réintégrer sous sa cloche de verre, Mme Legrel, tout émue de ce drame, s’excusait :

— Je suis bien contrariée… Le poulet va être froid… Ah ! c’est très ennuyeux… Mais vous pensez… une gasterachante !… Je le connais, n’est-ce pas ?… Il en eût été malade, le pauvre garçon…

Le déjeuner s’acheva dans un peu de gêne. Quoi que nous fissions, il nous fut impossible de