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tout simplement… Elle emportait dans ses pattes une mouche, dont les ailes éployées, comme deux petites voiles, offraient une grande résistance au vent… La guêpe volait difficilement, avec effort… Elle n’avançait pas… Que fit-elle ?… Je vous le donne en mille… Elle fit ce que bien des hommes n’eussent pas osé faire en pareille circonstance.

J’avoue que je me représentais difficilement un homme en pareille circonstance, c’est-à-dire s’envolant du gazon, avec une mouche, aux ailes éployées, dans ses pattes. Mais je me gardai bien d’en faire la remarque à Legrel, qui continua :

— Mon cher, voici ce que fit cette vespide… Elle se laissa tomber à terre, en parachute, très doucement, scia, vous entendez bien, scia les deux ailes de la mouche qui étaient un obstacle à son vol… Et elle s’envola de nouveau avec sa proie… allègre… Est-ce confondant ?

Et, prenant un air rêveur, profond, il répéta sa phrase favorite :

— On ne sait pas assez ce dont la nature est capable…

Mme Legrel se tourna vers moi, le visage épanoui.

— Comment peut-il voir toutes ces choses-là ?… admira-t-elle. C’est inouï…

J’osai objecter, car cette phrase sur la nature m’avait encore agacé :