Page:Octave Mirbeau - Dingo - Fasquelle 1913.djvu/241

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pensez bien… Mais vraiment… je ne sais pas… je n’ose pas… j’ai peur de lui faire du tort… Enfin, je ne sais pas… C’est inouï !

Et, tapant le plancher d’un pied colère, elle criait :

— Enfin, comment tous ces gens-là font-ils ?… Et que font-ils ?… que font-ils ?

— Des choses pas très belles, allez, ma chère amie… disais-je.

— Pas très belles… pas très belles !… Enfin, quoi ?… quoi ?

Et cette femme si pure, de si forte vertu, sans aucune ambition pour elle-même, on la devinait capable d’actes plus que hardis ; car elle ne vivait que pour la gloire de son mari. Elle y eût sacrifié, sans hésitation, jusqu’à la paix de sa conscience.

Legrel, doucement, essayait de la calmer.

— Pourquoi te faire tant de mal, ma chérie ?… Réfléchis un peu… Connais-tu beaucoup de gens aussi heureux que nous ?… Nous ne manquons de rien… Nous avons tout… Je ne sais pas comment tu t’arranges… c’est un miracle… Mais avec notre petite fortune… tu nous as toujours fait l’existence la plus riante, la plus abondante. Grâce à ton génie de maîtresse de maison, nous avons l’air de posséder tout simplement cent mille francs de rentes… Mais oui… je suis un ignoble capitaliste…