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démontrer la parfaite inutilité de mes leçons. Et, loin de s’atténuer avec l’éloquence, de s’adoucir avec l’âge, les passions originelles de Dingo prirent une forme plus précise, un caractère de combativité plus audacieuse.

Il n’y avait pas à se le dissimuler plus longtemps, c’était la faillite de l’Idéal.

Je ne lui demandais pourtant que peu de chose, je ne lui demandais, à ce chien, que de devenir un homme. C’était si facile, il me semble. Il s’y refusa obstinément.

Et ce qui devait arriver arriva.

Un soir, rentrant de Paris, où j’avais passé la journée à démontrer, dans un Congrès international, devant des Allemands, des Norvégiens, des Russes, des Anglais, des Espagnols, des Magyares et des Valaques, l’indiscutable supériorité de la langue française sur tous les patois du globe, j’appris que Dingo avait, d’un coup de dent, cassé les reins de mes deux chats.

J’eus froid au cœur…

— Et Miche ?… demandai-je vivement au jardinier, qui me contait prolixement les horribles détails de ce double meurtre…

— Oh ! Miche !… répondit le jardinier… Dingo a joué avec elle comme d’habitude… Tenez… en ce moment… ils doivent être tous les deux sur la