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tous les habitants de Ponteilles, pour son meilleur camarade, ce Piscot si lamentable et si bon garçon. Quand il sortit de l’enclos, ce fut pour courir chez Piscot qui ne venait presque plus chez moi, où il était sûr pourtant de trouver de l’ouvrage. Mais ses malheurs l’avaient rendu méfiant et paresseux. Il avait donc encore de l’ouvrage, mais il n’avait plus de cœur à l’ouvrage.

Au risque des commentaires les plus désobligeants et bien qu’on pût l’accuser de ne pas tenir son rang, Dingo ne dédaignait pas d’accompagner Piscot au cabaret, quand celui-ci avait trop de peine, ou aux champs, quand il se décidait à travailler. Et il lui contait des histoires comiques, uniquement, j’imagine, pour faire oublier sa détresse au pauvre gueux. De son côté, Piscot, dont le chien était devenu le seul confident, lui disait :

— Enfin, mon vieux Dingo, c’est tout de même embêtant… Comprends-tu ça, toi ? Écoute bien… J’dois neuf francs…

Souvent aussi, on voyait Dingo devant la misérable masure, qui jouait avec les enfants. Il raffolait de ces enfants, surtout des plus petits, à qui il pardonnait leurs puces, leurs poux, toute cette affreuse teigne dont ils étaient dévorés, jusqu’à en prendre sa part. Il leur apprenait des amusements ingénieux et variés, sans que jamais il leur fît sentir