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voulût bien se soigner. Et j’appelai le docteur Lebriche, de Montbiron, qui avait dans le pays grande réputation. C’était l’homme des cas difficiles, des situations désespérées. Jusqu’à Cortoise, les confrères avaient recours à ses lumières.

Court sur jambes, l’omoplate gauche fortement déviée, la barbe toute grise, que la fumée de cigarette teignait en acajou et soufflant très fort, le docteur Lebriche entra. Il commença par retirer le cache-nez de laine noire dont il avait la tête enveloppée. Il me parut désagréablement impressionné par la pauvreté du logis. Mais m’ayant aperçu dans un coin de la chambre, il se rassura.

— Voyons ça… Voyons ça…, fit-il !…

Il examina longtemps l’œil de Piscot, souleva et baissa à plusieurs reprises la paupière enflée, appuya de toute la force de son pouce sur l’arc du sinus frontal.

Piscot hurlait :

— Oh !… oh !… ça me pouille là-dedans… derrière l’œil… ça me mange… ça me mange…

— C’est drôle, disait le docteur Lebriche. C’est très drôle… Ah ! mais c’est très drôle.

Et comme sur sa demande Piscot racontait, tant bien que mal, avec effort, ce qu’il ressentait, le docteur Lebriche s’écria tout d’un coup, en se tapant la cuisse :