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l’antidote de l’ordure. Je me souvient qu’en épointant des perches, Piscot, d’un coup de serpe maladroit, se fit une entaille profonde à la jambe droite. Il refusa obstinément les soins du médecin. Il appliqua sur la blessure un emplâtre de bouse de vache mélangée à de l’urine humaine. Au bout d’une semaine, la plaie était cicatrisée ; au bout de deux, elle était entièrement guérie…

Le mois dernier, en se levant, un matin, Piscot ressentit à l’œil droit et à la tempe d’intolérables douleurs. Il n’en vint pas moins travailler chez moi, comme de coutume. Quoiqu’il ne se plaignît point, étant très dur au mal, je remarquai qu’il souffrait beaucoup. Il avait le globe de l’œil très rouge, la paupière supérieure enflée.

— C’est rien… c’est rien… fit-il… Une bête qui m’a piqué… probable… C’est peut-être aussi une dent… ça va passer…

Le soir, le mal empira. Dans la nuit, Piscot eut une crise si violente que, pour la première fois de sa vie, il se mit à se démener, à hurler, sous l’atrocité de la douleur…

— Ça me mange là-dedans… ça me dévore… criait-il… ça me fouille derrière l’œil, avec un couteau !

Le lendemain, il ne put pas travailler et resta au lit. J’eus beaucoup de peine à obtenir qu’il