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dans un club de vieux savants en tous genres, et ce que je me rappelle le mieux de lui, c’est que, ce soir-là, nous nous sommes grisés très confortablement, en l’honneur de la science.

Voici que, grâce à une photographie fortuitement retrouvée par mon valet de chambre au fond d’un tiroir, le visage si impersonnel de mon ami maintenant me revient et se reprécise à quelques détails près… Mais non, mais non, pas si impersonnel que je le croyais.

Un charmant garçon, vraiment, ce qu’on appelle dans les bars de chez nous un véritable gentleman. Des cheveux blonds collés au crâne et séparés par une raie médiane qui les divise en deux parties symétriques, également plates et luisantes ; des yeux légèrement bridés dont on ne sait s’ils sont clairs, foncés, gais ou tristes ; des narines pincées au bas d’un nez droit et fin ; une lèvre supérieure retroussée sur des dents pas très blanches et dont quelques-unes sont baguées d’or. Sir Edward Herpett dont la tête petite se perche sur le col, comme un gobe-mouche au haut d’un roseau, est exagérément haut de jambes, et ses bras maigres d’orang-outang, attachés par de gros nœuds à des épaules tombantes, se terminent par deux fortes mains couleur de brique. Linge éblouissant, vêtements amples, coupés avec chic, bottines épaisses en cuir jaune sor-