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preuves contre lui, il n’y a que de fortes présomptions et dans l’esprit des gens les présomptions deviennent vite des certitudes.

— Ce qu’il y a de sûr, expliquent-ils, c’est que, après le vol, durant huit jours, Piscot et sa femme n’ont point dessoûlé. De qui tenait-il cet argent ?… Il prétend bien que c’est un artiste, dont il a porté l’attirail toute une semaine à travers champs, qui lui a donné cinquante francs… À d’autres !… Cinquante francs pour une semaine, un artiste ?… Un crève la faim ?… Allons donc… Et puis, un artiste… ils ont dû faire le coup ensemble… probable !… Mais en le surveillant de près, en le tenant de court, on peut s’arranger avec lui… Ce n’est pas un mauvais garçon.

Ceux envers qui Piscot a prodigué son inlassable complaisance expliquent à leur tour :

— Pour le vol, il y a quelque chose qui n’est pas clair… c’est évident… D’ailleurs, c’était au boulanger à ne pas se laisser voler… Nous, Piscot ne nous a jamais rien pillé… S’il a fait tort à quelques-uns, par-ci, par-là : une poule à la Noël… un peu de bois… des fruits dérobés dans les jardins… voilà-t-il pas de quoi crier ! Ce n’est pas de sa faute après tout… Il n’est guère heureux non plus… Et puis, quand on a une verminée d’enfants qui se glissent partout, comme des rats, il faut s’attendre à bien des micmacs… On peut