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— Le Prix Montyon !… fait-il… mais dites donc ?… mais dites donc ? J’ai entendu parler de ça… On dit que c’est pas mauvais… Ouat !… ça doit être, comme ma prime, allez !…

Et il conclut, en haussant les épaules :

— Tout ça va mal… tout ça va très mal… Pour être volés dans les grandes largeurs… voyez-vous… il n’y a encore que les pauv’ bougres…

Ce n’est point l’habitude de Piscot qu’il se plaigne aussi amèrement. En général, il est plutôt insouciant. Et il accepte les choses — mêmes les pires — avec résignation. Peut-être a-t-il bu la veille, plus que de raison. Cela lui fait une âme brouillée et violente.

Je lui promets de parler au maire du bureau de bienfaisance et de sa prime de quinze francs, je lui promets de parler aux académiciens du Prix Montyon. Mais il a déjà tout oublié. Sa physionomie est redevenue fataliste, normale.

— Nom d’un chien !… s’écrie-t-il… y en a-t-il de la vermine, cette année, dans les carottes !

Et souriant, d’un bon sourire de philosophe qui ne s’étonne plus de rien, il résume ainsi le débat ;

— I en a partout, quoi… C’est pas l’embarras…

Pierre Piscot a trente-huit ans… Robuste, quoique très maigre, jovial, quoique très pauvre,