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ça va bien aussi… » Mais ces grandes bêtes en bronze… ces gros bonshommes en bronze et en bois peint… ventrus, laids, mal fichus… des saletés, des inventions quoi ! Ça ne me revenait pas… Je ne pillais pas ça. « Ah ! mes pauvres gars, que je disais aux camarades, vous vous éreintez… et vous perdez votre temps… Qu’est-ce que vous allez faire de ces cochonneries-là ?… » Eh bien, monsieur, j’aurais pu me faire une fortune… une fortune. Au lieu de ça… Ah ! je n’ai pas de chance…

Il était devenu mélancolique à remuer ces souvenirs. Les deux bras croisés sur le manche de sa bêche, il songea quelques instants, en se répétant obstinément :

— Je n’ai pas de chance… D’abord, je n’ai jamais eu de chance, jamais eu de chance, jamais… nulle part…

Et il reprit :

— Not’capitaine avait vendu à des juifs qui suivaient le corps expéditionnaire… ces cochonneries-là que la compagnie avait pillées… On ne pouvait pas tout envoyer en France, n’est-ce pas ?… On fit la répartition de l’argent aux hommes… C’était quelque chose… des trente francs… des quarante… des cinquante francs… Et vous pensez bien que le capitaine, un galopin à la coule, neveu d’un ministre, à ce que je me suis laissé dire… ne s’oubliait pas… le bougre !…