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se montra très gentil avec Dingo, très familier avec moi. Il ne me parla pas à la troisième personne. Je remarquai avec surprise qu’il avait de la bonne humeur, une sorte de franchise aisée et bavarde, qui contrastait fort avec les attitudes mornes, les mines renfrognées, sournoises et muettes de ses compatriotes. Nous causâmes, sans la moindre gêne, comme des amis… Il ne manquait pas d’une certaine verve pittoresque et mêlait dans ses récits l’argot des villes au patois paysan. Il me dit :

— Eh bien, monsieur ?… C’est-y que vous vous habituez chez nous ?

Je répliquai sans entrain :

— Mais oui… Mais oui… Le pays est beau…

— Oh ! pour ça… c’est un beau pays… Et riche… riche !…

Il attira mon attention sur sa cotte de travail en lambeaux, sur son pantalon, où les rapiècements faisaient une mosaïque compliquée, multicolore.

— On le croirait pas à me voir, hein ? observa-t-il sans amertume, presque gaiement… C’est pourtant, comme ça… Riche, riche… Oh ! c’est un beau pays…

— Un beau pays, répétai-je en écho.

Et je corrigeai aussitôt cet éloge…

— Je n’en dirai pas autant des habitants… Ils