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— Tout de même… Je n’ai pas eu de chance… Nous aurions pu être heureux… Ma femme était si bonne musicienne… Elle joue du piano, comme un ange…

Au moins une fois par semaine, il allait à Paris, très luisant, très pommadé, très brossé, sous le bras une lourde serviette de maroquin, bourrée de papiers. Comme on le plaisantait sur ces très fréquents voyages, il répondait avec une expression de lassitude et d’ennui :

— Les affaires !… ah ! les affaires !… Le travail… je n’ai plus que ça… Que voulez-vous ?

On sut plus tard — trop tard — que les affaires de maître Anselme Joliton — histoire banale — c’était une petite téléphoniste qu’il entretenait d’amour et de quatre-vingt-dix francs par mois… Une petite femme de seize ans, sa payse de la Touraine, qu’il trompait d’ailleurs avec des dames plus élégantes des Folies-Bergères, de l’Olympia et du bal Tabarin.

Je lui avais remis de l’argent pour des placements hypothécaires, de magnifiques placements sur une non moins magnifique usine de cyanure d’or, installée en Touraine — la seule de ce genre qui existât en France — et dont maître Joliton avait dans son étude, sur les murs tendus de pékin vert, un plan au lavis bleu et une photographie alléchante.