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étendu sur un tapis et la tête allongée sur ses pattes, comme s’il dormait.

De quoi est-il triste ?… D’avoir quitté son ami ? De n’avoir pas été reconnu, d’avoir été renié par lui devant les gendarmes ?

Je ne sais pas.

J’avais été très frappé par cette affaire. Le moment venu, je ne pus résister à la curiosité de me rendre à Beauvais pour y suivre les débats de ce qu’on appelait, dans les journaux, l’affaire Coquereux. Je n’étais pas bien sûr que le petit homme, malgré ses aveux, ne fût point innocent. J’ai une telle méfiance de l’appareil judiciaire, une telle répugnance pour ces faces indifférentes qu’ont les juges, un tel effroi de ces faces mornes, têtues qu’ont les jurés devant un problème humain, que je crois toujours, par une sorte de protestation instinctive, à l’innocence des pires criminels. Et puis, dans la circonstance, l’affectueuse pitié que Dingo avait témoignée au misérable bonhomme et l’indicible misère de ce dernier entretenaient mes doutes.

À la Cour d’assises, je retrouvai Coquereux tel que je l’avais vu sur la route, tel que je l’avais vu à Montbiron sur les marches de l’Hôtel de ville… si neutre, si modeste ! Il me parut seulement un peu moins maigre. Était-ce un effet de la lumière