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Il bouscule le prisonnier, s’apprête à rudoyer Dingo… Je ne veux pas le renier, je ne veux pas qu’on le batte… Je le revendique pour mien.

— Laissez ce chien. Il est à moi, dis-je en agitant le collier, la chaîne.

Un moment je pense à raconter aux gendarmes l’incident de la veille. Mais cela va sûrement compliquer les choses. Peut-être m’impliquera-t-on dans cette affaire ?… Non… Non… Les gendarmes, je les connais… Autrefois, je leur achetais le fumier de la gendarmerie et ils me volaient indignement sur le mélange et sur le transport. Je les ai quittés, ces braves serviteurs de la loi, ces intrépides gardiens de la morale et de la propriété, comme des fournisseurs malhonnêtes. Depuis, ils ne me saluent plus. Ils sont furieux contre moi. Par deux fois, ils m’ont dressé d’injustes contraventions, pour infraction au règlement sur la police des routes. J’ai comparu, grâce à eux, devant le juge de paix… Il y en avait un qui ne pouvait pas se tenir à cheval… Un jour, je passe devant lui en automobile. Le cheval a peur, fait un écart, et le gendarme, désarçonné, tombe sur la route… Naturellement, il me dresse procès-verbal… À l’audience, je raconte cette scène et je conclus : « Si ce gendarme ne ne peut pas monter à cheval, je demande qu’on le mette à pied… Je veux dire, gendarme à pied. »