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petit pays où il n’arrive jamais rien… Un crime, comme on en lit tous les jours dans le Petit Parisien… Songez donc ! Et puis, cet assassin… comme il doit être effrayant !… Si on pouvait le voir !… Oui, oui… il faut aller à Montbiron…

Beaucoup s’y rendent avec leurs beaux habits, leurs belles robes, comme à une fête… Bras dessus, bras dessous, filles et garçons s’en vont courant, riant et chantant… Sur la route, on cueille des fleurs, des brins d’avoine, dont on orne corsages et chapeaux. Et les moissons, à droite, à gauche, continuent de pousser ; sur les bords du chemin, les pommes continuent de mûrir aux pommiers. Rien ne s’interrompt de pousser et de mûrir. Et tout s’est rafraîchi, tout a reverdi. Une brume légère remplit d’or la vallée et poudre les coteaux au loin.

Moi-même, envahi par une curiosité dont je ne m’explique pas très bien la cause, aiguillonné par un pressentiment encore obscur mais lancinant, je me décide tout d’un coup, l’après-midi, à partir pour Montbiron. Dingo m’accompagne. En montant la côte, je dis à Dingo, à l’endroit même où le petit vieux, épuisé de fatigue, s’est arrêté :

— Tu te rappelles ?… Le petit vieux que tu as aidé ?… C’était là…

Dingo ne m’écoute pas. Il bondit dans l’herbe du fossé et pourchasse les insectes.