Page:Octave Mirbeau - Dingo - Fasquelle 1913.djvu/131

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

trois neveux, ses pupilles, qu’il a dépouillés en un tour de main, sans qu’on pût lui demander des comptes.

Mais quelqu’un à qui est arrivé un grand malheur est toujours sympathique. On est reconnaissant à Radicet de souffrir ; car on suppose qu’il souffre, malgré la dureté de son cœur. Hier encore, c’était : « cette crapule de Radicet » avec de l’envie et de la haine dans les yeux… Ce matin, c’est : « Ah ! ce pauvre Radicet ! » avec des visages faussement éplorés…

Quelqu’un dit :

— Ah ! ce pauvre Radicet !… Un homme si à son aise !… Et mercredi dernier, il était là comme d’habitude, ma foi !… Je lui ai parlé… Je lui ai vendu quatre lapins… Et aujourd’hui !… Ah ! Ah ! Ah !… Qu’est-ce qui aurait jamais pensé ça ?…

Et, se rappelant que Radicet, qui n’était point généreux d’ordinaire, lui a offert une tournée chez Jaulin, il s’attendrit.

— Oui ! Oui ! confirme Jaulin ; à tout prendre, ce n’est pas un mauvais garçon… Il a bien mené ses affaires… Il a du mérite…

Une femme soupire :

— Douze ans !… Si c’est Dieu possible !… Et à Montbiron !

Puis elle lève les bras au ciel et répète :