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ainsi dire, élevée. Du moins il s’était élevé avec elle. Et il la défendait âprement, même contre nos caresses trop rudes, même contre sa mère, une mauvaise mère qui, trop tôt reprise par l’amour, l’abandonnait des journées et des nuits, ne rentrait, épuisée de ses débauches nocturnes, de plus en plus dégoûtée de ses fonctions maternelles, que pour feuler contre elle et pour la battre.

Dingo et Miche couchaient ensemble. Ici, je prie les personnes vertueuses et les honorables sénateurs, si naturellement portés aux soupçons les plus injurieux, de ne pas entendre cette expression au sens inconvenant qu’on lui attribue généralement… je veux dire qu’il couchaient dans le même panier. C’était un spectacle infiniment joli que de voir Miche dormir pelotonnée contre le ventre de Dingo, et Dingo attentif à ne risquer aucun mouvement brusque, qui pût réveiller Miche, même lorsqu’il éloignait les mouches bourdonnant autour d’eux. Si quelqu’un entrait dans la pièce où ils reposaient, même au moindre bruit dans le couloir voisin, Dingo se levait aussitôt, montait la garde devant le panier, avec une attitude défensive à l’énergie de laquelle on ne pouvait se méprendre.

Ce n’est pas assez dire que Dingo aimait Miche ; il l’adorait. Il l’adorait au point de s’oublier totalement en elle, de négliger ses repas, ses jeux,