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Son attitude devint plus agressive encore. Il ajouta, en retroussant ses lèvres et découvrant ses crocs :

— Ah ! vous gardez les moutons ?… Eh bien, moi, je les égorge… Voilà plus de mille ans que je les égorge… entendez-vous ? Et j’égorge aussi les chiens qui les gardent…

Les Bas-Rouges eurent sans doute pitié de la jeunesse de Dingo… Ils ne relevèrent pas le défi :

— Peuh… firent-ils simplement… Faudra voir.

L’échine arquée, la queue droite, les oreilles dressées et frémissantes, Dingo tourna très lentement, à tous petits pas courts, autour des Bas-Rouges, immobiles.

— Vous verrez !… gronda-t-il… Adieu !

— Adieu donc !

— Brutes ! pensa Dingo, en s’éloignant.

Et il alla lever la patte contre un pilier de la grille.

— Apache ! pensèrent les Bas-Rouges.

Et successivement ils vinrent contre le même pilier imiter le geste de Dingo.

Ils se méprisèrent, sans même songer à se battre, ce qui est, pour les natures chevaleresques d’hommes et de chiens, la forme la plus méprisante du mépris.

À partir de ce jour, quand ils se rencontrèrent