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ROMANS DE MOEURS ET ROMANS SOCIAUX

homme faible et falot qui ne parviendra pas à se soustraire à l’emprise de son milieu. On sent dès sa rencontre avec la jeune fille le malentendu latent qui va toujours exister entre eux, malentendu inhérent à la différence de classes. Il n’y a pas d’autre issue que celle où nous conduit Viau : toute autre eut été conventionnelle et artificielle. Dans ce Canada qui se veut égalitaire, la bourgeoisie est une caste dans toute l’acception du terme : les fils de bourgeois ne peuvent épouser les filles de prolétaires, pas plus que dans la vieille Europe ; ce n’est pas une loi écrite : c’est pis que cela, c’est un préjugé. La Montagne à Montréal est plus qu’une masse, plus qu’un rempart matériel, c’est bien le symbole qu’a voulu nous montrer Roger Viau.

Ringuet aussi, dans « Le Poids du jour », nous transporte en pleine bourgeoisie : mais son bourgeois toutefois en est un de fraîche date : son père est un ouvrier ; sa mère, par réaction contre un mari brutal et ivrogne, a cherché, dès sa plus tendre enfance, à l’affiner, aussi ne tarde-t-il pas à se sentir dépaysé parmi ses camarades d’école. Ce roman n’est pourtant pas le meilleur de Ringuet ; son grand roman demeure toujours « Trente arpents ». Il n’y a même pas, dans « Le Poids du jour », le climat ou l’ambiance qui fait l’unité